Parcoursup : Lettres de motivation et IA, un pari risqué ?

Peut-on vraiment séduire un jury avec un texte que l’on n’a pas écrit soi-même ? À l’heure de Parcoursup, nombreux sont les lycéens confrontés à une tâche aussi fastidieuse qu’essentielle : rédiger une douzaine de lettres de motivation pour confirmer leurs vœux. Dans ce contexte, les outils d’intelligence artificielle comme ChatGPT représentent une tentation grandissante. Mais confier cette mission à une machine est-il vraiment une bonne idée ?

Une solution tentante face à la page blanche

Le recours à l’IA s’explique d’abord par la pression du calendrier et le nombre important de lettres à produire. En 2024, près d’un tiers des candidats Parcoursup a testé ChatGPT pour s’inspirer ou rédiger leur lettre. Selon une étude Diplomeo, environ 80 % des 16-25 ans disent utiliser l’IA dans leurs études, souvent pour surmonter le syndrome de la page blanche.

C’est le cas de Lilian, 17 ans, élève de terminale, qui a utilisé l’IA pour générer plusieurs versions de ses lettres. « C’est pratique, ça va vite. Mais à la relecture, je ne me reconnaissais pas du tout », confie-t-il. Car malgré une syntaxe impeccable et des formules flatteuses, ces lettres souffrent souvent d’un défaut majeur : elles ne ressemblent pas au candidat.

Des lettres de motivation vite repérées… et peu convaincantes

Les enseignants qui examinent les dossiers ne sont pas dupes. « On repère très vite les lettres générées par IA », affirme un professeur de classe préparatoire. « Elles manquent d’âme, les phrases sont trop lisses, trop calibrées. »

Une examinatrice raconte recevoir des dizaines de lettres débutant par la même phrase : « Niort, ville moyenne et dynamique où il fait bon vivre… ». Ces tournures stéréotypées, souvent issues d’une génération automatique, trahissent immédiatement l’absence de travail personnel.

Plus problématique encore : les hallucinations. L’IA peut inventer des expériences, déformer un projet professionnel ou intégrer des informations inexactes. Et une incohérence flagrante peut nuire gravement à votre crédibilité.

Ce que les jurys attendent vraiment

Contrairement à une idée reçue, les jurys ne recherchent pas la lettre parfaite. « Une lettre un peu maladroite mais sincère sera toujours mieux accueillie qu’un texte trop bien écrit mais impersonnel », insiste Denis Choimet, professeur en CPGE. Ce qui compte, c’est d’exprimer une motivation réelle et de refléter votre personnalité.

Les meilleurs candidats sont ceux qui montrent un véritable intérêt pour la formation : un stage, une passion, une rencontre marquante, un projet personnel. Aline Mousset, professeure en gestion, souligne l’importance de prouver qu’on s’est renseigné : participation à une journée portes ouvertes, discussion avec des étudiants, lectures spécifiques…

Même si la lettre de motivation n’est plus exigée systématiquement depuis 2024, environ 70 % des formations la lisent encore et l’utilisent pour départager les dossiers. Elle peut jouer un rôle décisif à niveau académique équivalent.

Enfin, les consignes officielles de Parcoursup sont claires : « Évitez absolument le recours à des logiciels de type ChatGPT. Les enseignants le voient, et ce qui est demandé, c’est une production personnelle » (guide du candidat 2024).

Comment utiliser l’IA sans compromettre sa candidature ?

Plutôt que de rejeter l’IA en bloc, il est possible de l’utiliser avec discernement. Voici quelques conseils pour garder le contrôle :

• N’utilisez pas une lettre de motivation 100 % générée : un copier-coller depuis ChatGPT est risqué. Cela se repère facilement et produit souvent un texte générique.
• Utilisez l’IA comme assistant, pas comme auteur : elle peut vous aider à organiser vos idées, corriger des formulations ou vous suggérer un plan. Mais rédigez toujours avec vos mots et votre expérience.
• Réécrivez pour coller à votre style : l’IA utilise un vocabulaire soutenu et des phrases toutes faites. Adaptez-les pour qu’elles sonnent vrai et correspondent à votre niveau d’expression.
• Vérifiez chaque information : supprimez toute affirmation douteuse, compétence exagérée ou incohérence. Ne laissez pas l’IA inventer votre parcours.
• Personnalisez autant que possible : parlez de vos projets, de vos engagements, de ce qui vous a vraiment marqué. Ce sont ces détails qui feront la différence.

L’authenticité avant tout

L’IA peut être un outil utile pour surmonter l’angoisse de la page blanche ou améliorer la forme d’une lettre. Mais elle ne remplacera jamais la sincérité d’un candidat engagé. À l’heure de Parcoursup, ce que les jurys veulent lire, c’est votre histoire, pas celle d’un algorithme.