Dans un paysage éducatif en pleine mutation, la question de l’adaptation de l’enseignement aux réalités du XXIᵉ siècle devient centrale. Entre la diversité croissante des profils d’élèves, l’émergence des technologies numériques et les avancées en sciences cognitives, les enseignants doivent composer avec de nouveaux repères.
Au croisement de ces dynamiques, l’expérience de Sabine Koopmans, professeure d’anglais et de néerlandais en Belgique francophone, offre un éclairage concret sur la manière de réconcilier pédagogie, neurosciences et outils numériques pour redonner sens et efficacité à l’apprentissage.
1. Enseigner avec le cerveau en tête
L’enseignement repose encore trop souvent sur des méthodes héritées d’un autre temps. Or, les connaissances en neurosciences cognitives ont profondément renouvelé la compréhension de la manière dont le cerveau apprend, mémorise et transfère les savoirs.
Dans les classes de secondaire supérieur, beaucoup d’adolescents arrivent sans méthode de travail solide, avec une attention fluctuante, une prise de notes défaillante et une motivation en berne. L’école suppose qu’ils savent apprendre ; la réalité montre l’inverse.
La clé réside dans une approche qui considère l’apprentissage comme un processus à enseigner, au même titre que les disciplines elles-mêmes. L’élève doit comprendre comment fonctionne sa mémoire, comment ancrer les connaissances durablement et comment mobiliser ses ressources cognitives. L’enseignant, lui, devient un architecte de l’attention : il structure ses supports de cours pour maintenir le lien entre contenu et concentration, accompagne la prise de notes, clarifie les objectifs, multiplie les points d’ancrage pour favoriser la rétention à long terme.
Cette évolution progressive n’a rien de spectaculaire ni d’improvisé. Elle repose sur des petits ajustements quotidiens : rendre les supports plus lisibles, rythmer les séances, diversifier les modes d’entrée dans le savoir, instaurer des routines cognitives qui rassurent et structurent. Le résultat dépasse la simple amélioration des notes. Les élèves retrouvent de la motivation, de la clarté dans leurs apprentissages, et surtout, une confiance nouvelle dans leur capacité à progresser.
2. Le numérique, moteur d’inclusion et de différenciation
Dans ce contexte, le numérique n’est pas un gadget : c’est un levier. Bien utilisé, il permet de dépasser les frontières traditionnelles de la salle de classe. Dans un système scolaire qui peine souvent à répondre à la diversité des profils, les outils numériques offrent une réponse transversale et non stigmatisante.
Qu’il s’agisse d’élèves dyslexiques, HPI, en décrochage ou simplement en difficulté passagère, la logique reste la même : les outils sont disponibles pour tous et favorisent l’autonomie. Les plateformes collaboratives fluidifient la communication, les supports multimédias renforcent l’attention et la mémorisation, les activités interactives différenciées ouvrent des chemins d’apprentissage plus personnalisés.
Canva permet de produire des supports visuels clairs et attractifs. Teams instaure un canal direct entre enseignants et élèves, prolongeant la classe au-delà des murs physiques. BookWidgets, enfin, propose des exercices adaptatifs et interactifs, idéaux pour des rythmes et des besoins variés. Ce trio illustre une pédagogie hybride, dans laquelle la technologie sert la pédagogie — et non l’inverse.
Chaque enseignant doit pouvoir choisir ses outils, les tester, les apprivoiser. L’enjeu n’est pas de suivre la dernière mode technologique, mais de construire une boîte à outils cohérente, adaptée à sa manière d’enseigner et à la réalité de ses élèves. Le numérique devient alors un amplificateur pédagogique, capable de fluidifier la transmission, de renforcer la différenciation et d’alléger les tâches répétitives pour se concentrer sur l’essentiel : la relation humaine et la construction du sens.
3. L’intelligence artificielle : ni ennemie ni solution miracle
L’essor de ChatGPT et des outils d’intelligence artificielle fait surgir de nombreuses inquiétudes dans le monde éducatif. Tricherie, plagiat, perte de sens de l’évaluation… Les débats oscillent souvent entre fascination et rejet. Pourtant, ces outils ne sont ni des ennemis ni des sauveurs. Ils sont là, et ils transforment déjà en profondeur la manière d’apprendre.
L’intelligence artificielle peut renforcer l’apprentissage des langues, enrichir le vocabulaire, apporter des corrections fines et immédiates, favoriser l’autonomie dans la révision. Elle devient une ressource complémentaire, à condition d’être encadrée par une réflexion critique. L’interdire reviendrait à ignorer un outil que les élèves utiliseront de toute façon en dehors de la classe.
L’enjeu pédagogique se déplace alors : il ne s’agit plus de sanctionner l’usage de l’IA, mais d’éduquer à son utilisation raisonnée, d’apprendre à distinguer aide à la réflexion et substitution au travail. Cette évolution appelle aussi à repenser les modes d’évaluation : plus de place à l’oral, aux projets authentiques, à la créativité et à la vérification des raisonnements plutôt que de simples restitutions écrites.
Découvrez l'épisode de Sabine Koopmans directement sur notre podcast Reboot 1881 :