Pierre Florek : “L’élève doit être acteur de son apprentissage”
Au croisement des mathématiques, de l’inclusion et du numérique, Pierre Florek construit depuis plus de vingt ans une pratique enseignante engagée et résolument tournée vers l’innovation. Professeur de mathématiques dans un collège en éducation prioritaire à Poitiers, il cumule aujourd’hui plusieurs responsabilités, toujours avec un objectif : redonner du sens aux apprentissages grâce à des usages numériques pertinents, adaptés, et pensés pour les élèves.
Une pédagogie nourrie par le terrain
Enseignant depuis 21 ans, Pierre Florek n’a jamais cessé d’élargir son champ d’action. Il est à la fois référent pour les ressources et usages pédagogiques numériques (RUPN) dans son collège, mais aussi à l’échelle du département de la Vienne, où il accompagne désormais deux autres collègues dans cette mission. Il pilote des formations académiques, coordonne les laboratoires de mathématiques, et s’implique dans l’écosystème numérique éducatif sous de nombreuses casquettes.
Pierre est également Apple Professional Learning Specialist Teacher : il forme les enseignants à l’usage de l’iPad dans leurs pratiques pédagogiques. Et ce n’est pas tout : il intervient aussi auprès de Google Éducation lors d’événements comme Ludovia ou Educatech, où il partage ses retours d’expérience de terrain. Récemment, il a même été invité au siège parisien de Google pour illustrer, exemples à l’appui, comment le numérique transforme la classe au quotidien.
RUPN : accompagner plutôt que réparer
Dans sa mission de RUPN, Pierre insiste sur le cœur du rôle : accompagner pédagogiquement les enseignants, les aider à intégrer le numérique de manière concrète et pertinente dans leurs séquences. Mais il déplore une réalité persistante : "on fait encore beaucoup trop de technique", regrette-t-il. Réparer un vidéoprojecteur, résoudre un bug réseau, remplacer un câble… autant de tâches qui, selon lui, ne devraient pas reposer sur les épaules des référents pédagogiques.
Il préfère de loin le cœur de sa mission : former, échanger, outiller, et cela passe parfois par des idées simples mais efficaces, comme diffuser des tutoriels en salle des professeurs pour susciter la curiosité, ou organiser de petits webinaires de proximité. Dans la Vienne, où un large déploiement de tablettes a été opéré dans tous les collèges, Pierre joue un rôle pivot pour accompagner cette transition, tout en évitant les écueils classiques de l’équipement sans accompagnement.
De l’armoire à la salle de classe : l’exemple du déploiement d’iPads
En 2018, Pierre a piloté un déploiement de 740 iPads dans son collège. Une aventure entamée dès 2015, avec les premières réflexions autour du Plan numérique. Très vite, il comprend que la réussite d’un tel projet repose sur une double condition : une infrastructure solide – en premier lieu un bon wifi – et surtout une formation continue des enseignants.
Un projet qui rayonne au-delà des murs de l’école
L’un des volets les plus marquants de cette initiative reste l’impact social du projet. Situé en REP, le collège Pierre accueille de nombreux élèves issus de milieux modestes. Le numérique a été ici un levier d’équité. Très vite, les effets se sont fait sentir au-delà de l’établissement : le centre socio-culturel du quartier a équipé ses locaux en wifi, les animateurs ont été formés, les familles ont été associées via des ateliers numériques… et les élèves ont pu travailler, s’entraider et progresser en dehors de la classe.
Pierre se réjouit de cette dynamique collective. Pour lui, le numérique n’a de sens que s’il s’inscrit dans un écosystème vivant, centré sur l’élève mais ouvert sur son environnement.
Des outils au service de la pédagogie active
Dans ses propres classes, Pierre utilise l’iPad comme tableau blanc mobile, mais aussi comme interface de collaboration. Il écrit, annote, capture, partage – tout cela en interaction constante avec ses élèves. Il valorise les productions, donne la parole, invite à l’analyse collective.
Il s’appuie également sur des outils adaptés à la discipline, comme GeoGebra pour la géométrie dynamique, ou encore des applications de programmation et de quiz interactifs. Toute la suite Google Éducation lui permet par ailleurs de centraliser les contenus et de fluidifier les échanges.
Mais ce qu’il cherche avant tout, c’est à ce que chaque élève trouve sa place dans la classe. Il développe des parcours différenciés, adapte les contenus, et veille à ce que chacun progresse à son rythme. Il revendique une pédagogie flexible, loin du modèle unique. Et il l’assume : ce n’est jamais parfait, mais c’est un chemin qu’il construit avec constance.
L’élève acteur, et non spectateur
"Je pars du principe que si l’élève a envie de venir en cours, alors il va s’investir", confie-t-il. Pierre insiste sur la relation de confiance, sur la valorisation des efforts, sur l’importance de mettre en lumière ce que l’élève a bien fait, et non pas uniquement ce qui est attendu ou manqué.
Il est influencé par ses séjours au Québec, où il a observé des pratiques centrées sur les forces de l’élève plutôt que ses lacunes. Il souhaiterait que cette philosophie de la revalorisation infuse davantage l’Éducation nationale. Et cela passe parfois par de petits gestes, comme une formulation positive dans un bulletin scolaire.
Un conseil pour ceux qui hésitent à se lancer ?
À ceux qui n’osent pas franchir le cap du numérique en classe, Pierre conseille de commencer petit. Une seule application, un seul scénario pédagogique, une seule heure de cours. "Il ne faut pas se mettre de pression", dit-il. Et il ajoute : "Les élèves sont très bienveillants avec les enseignants qui essaient de changer leurs pratiques."
Pour lui, l’essentiel est de garder en tête l’objectif pédagogique, pas l’outil. Le numérique, bien utilisé, peut être un formidable levier de motivation, d’autonomie et de collaboration. Encore faut-il, comme Pierre, avoir la conviction que l’élève est capable… à condition qu’on lui en donne les moyens.
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